La première partie du mouvement est un yokomen uchi de la droite vers la gauche. La deuxième partie du mouvement est un yokomen uchi de la gauche vers la droite.

Afin que la rotation du ken puisse se faire de manière fluide et naturelle autour de la tête et des épaules, il est important de respecter la méthode suivante :

  • Si le pied droit est devant, il faut relâcher la saisie de la main droite (photo 2 et 3), le temps nécessaire à la rotation du ken. Le ken part de la droite pour couper vers la gauche au terme de sa spirale.
  • Si le pied gauche est devant, il faut relâcher la saisie de la main gauche (photo 7), le temps nécessaire à la rotation du ken. Le ken part de la gauche pour couper vers la droite au terme de sa spirale.

Ce relâchement alternatif des deux mains sur la tsuka permet de conserver les mains devant le visage pendant la montée du sabre, et d’éviter qu’elles ne se décalent avec lui sur le côté droit ou sur le côté gauche du corps. Les mains doivent monter tout droit, leur place est au-dessus du crâne, c’est là que s’effectue la rotation du ken, parce que c’est là que s’effectue la rotation de l’axe vertical du corps. Le moindre mouvement de cet axe est alors communiqué au sabre qui est en prise directe avec lui. C’est pourquoi on dit en aiki ken que le sabre est porté comme un chapeau (furi kaburu).

Dans les deux cas, la main qui a relâché sa saisie le temps de la rotation, doit tenir à nouveau le ken fermement au moment de la coupe (photos 4, 5, 9).

Nous avons longuement expliqué la raison pour laquelle les hanches et les épaules se présentent de face au moment précis où le sabre touche, et où doit pouvoir être utilisée la puissance maximale du corps dans la coupe shomen uchikomi (cf. Aiki ken #2 et #4). Et nous avons vu que cette particularité avait une importance capitale pour permettre à la lame du sabre de s’abattre en une ligne parfaitement verticale, sans aucun angle, ce qui est une exigence de shomen uchikomi.

Nous avons vu dans ce contexte pourquoi la coupe à partir de la hanche avant, en effaçant la deuxième hanche vers l’arrière, oblige le corps à se présenter de profil ( cf. Aiki ken #3), et comment la lame du sabre s’infléchit alors nécessairement selon un angle qui empêche irrémédiablement toute coupe shomen.

Il ne faudrait pas déduire de cela que la position de profil est celle qui convient à la coupe yokomen. En effet, le principe du mouvement reste le même, que l’on coupe shomen ou que l’on coupe yokomen. Il y a un moment parfait où la rotation complémentaire des deux hanches atteint son apogée, sa puissance maximum, c’est le moment précis où les deux hanches se croisent, où tous les paramètres de puissance maximum sont réunis, c’est le paroxysme de l’action, le moment où le sabre doit toucher. C’est irimi (cf. Aiki ken #4). Ce moment est le même pour shomen et pour yokomen (et nous verrons que c’est aussi le même pour tsuki).

Ce qui donne un angle au ken, et caractérise ainsi l’attaque yokomen par rapport à shomen, n’est pas l’effet d’une rotation des hanches effectuée sans raison à contre- pied, et qui présenterait le corps de profil. Ce qui donne un angle au sabre, c’est le fait qu’il soit balancé de la droite vers la gauche ou de la gauche vers la droite dans ce mouvement caractéristique de rotation autour des épaules, qui suit une spirale dont l’orientation est diagonale, et non plus verticale comme c’était le cas pour shomen.

Le corps, quant à lui, se comporte toujours exactement de la même manière et avec la même logique, et il ne peut en être autrement en vertu du principe unique d’action qu’O Sensei appelait irimi-tenkan. On peut vérifier cela sur la coupe yokomen uchi à gauche qu’effectue ci-dessous le Fondateur sur son fils Kisshomaru:

Observons maintenant avec attention la coupe yokomen uchi, à droite cette fois, sur la photo suivante :

Le Fondateur amène son corps dans un angle d’attaque de 90° par rapport à l’axe d’attaque d’uchitachi, la position des pieds et des tatamis permet ici de vérifier aisément cet angle et de l’accepter pour certain. Cet angle est beaucoup plus important que celui que l’on constate sur la photo du yokomen uchi à gauche, et il est évident qu’O Sensei y parvient au prix d’un déplacement qui le transporte bien plus loin dans l’espace.

Une lecture rapide de cette photo pourrait laisser penser qu’il frappe ici à partir de la hanche avant, puisque la frappe à angle droit est à l’évidence hors de portée de la hanche arrière (droite) dans la position qui était la sienne au départ de l’action. Pourtant ce n’est pas le cas, O Sensei frappe bien à partir de la hanche arrière. Comment est-ce possible ?

Résoudre ce dilemme va m’obliger à aller jusqu’au bout de la logique d’explication que j’ai adoptée dans ces cahiers techniques, et à dévoiler un secret qui a été bien gardé jusqu’ici : celui du déplacement d’O Sensei.

Par la même occasion sera livrée la clef qui rend possible des choses apparemment impossibles selon la didactique classique et généralisée de l’Aikido. Didactique qui a creusé un fossé entre l’enseignement de l’Aikido et l’Aikido du Fondateur, qui existait déjà du vivant d’O Sensei, et qu’il regardait avec bien peu d’illusions, et commentait ainsi avec fatalisme :

Si personne ne me fait l’honneur de se tourner vers moi, je n’aurai pas de compagnon.
― Morihei Ueshiba, Takemusu Aiki, vol. III, p 54, Editions Cénacle de France

Philippe Voarino, février 2014.