L'éléphant en toute chose n'avance qu'à pas lent, 
    Il parle peu, prend son temps, et se montre patient.
    Quel oiseau bondissant est au contraire la linotte !
    Ses gazouillis, ses roulades, ses trilles et ses notes,
    En font de nos champs le bavard le plus accompli.
    Un éléphant, au Japon vécut une partie de sa vie,
    Désireux d'apprendre enfin l'Aikido véritable.
    Une linotte désemparée vint trouver ce notable.

    « Ami dit-elle, j'ai déjà en Aikido parcouru longue voie,
    J'ai suivi plus d'un maître et pourtant me voici devant toi.
    De ce que j'ai appris ne reste hélas qu'un doute immense,
    Et tu es désormais mon espoir et mon ultime chance.
    Foi de linotte, si ton franc secours ne m'apportes pas,
    Au clou et pour toujours je pendrai mon vieil hakama.
    En de faux maîtres tu plaças comme moi ta confiance
    Avant que ne t'avises que tout n'était qu'apparence.
    Crois donc ma déception autant sincère
    Que ta désillusion fut, à l'époque, amère.
    Mais qu'on ait pu réveiller ta flamme vacillante
    Voilà le pur mystère qui maintenant me hante.
    Avec ton aide, qui sait si je n'aurai le bonheur
    De raviver aussi de mon cœur la juvénile ardeur ?
    Viens chez moi je t'en prie, je t'invite en Bretagne,
    J'habite Rennes, jolie ville au coeur de la campagne.
    Ensemble nous irons à Dinard au bord de la mer,
    Où j'organiserai pour toi un fameux séminaire. »

    L'éléphant qui avait écouté sans dire mot,
    Consentit volontiers à lui montrer l'Aikido
    Qu'à Iwama Maître Ueshiba enseignait autrefois.
    Le séminaire fini, la linotte avait retrouvé la foi.

    « Mon ami, l'espérance folle que j'avais en tête,
    Ce qui depuis toujours est l'objet de ma quête,
    Tu me l'as montré, et dois s'il te plaît me présenter
    Au Maître qui avec si belle logique a su t'enseigner. »

    L'éléphant qui n'est pas le plus mauvais des bougres,
    A ce service ne vit aucune raison de ne pas se résoudre.
    En plus d'avoir revigoré cette passion à l'agonie,
    Il aida la linotte à rencontrer Saito sensei en Italie.
    Vers l'Orient sans tarder celle-ci prit ensuite son vol,
    Et deux semaines entières, à Iwama, se remit à l'école.
    A son retour elle raconta tant et si bien son voyage au Japon,
    Qu'elle ne pensa plus à qui lui en fournit le goût et l'occasion, 
    Et oublia complètement l'éléphant qui fut à Dinard son hôte.
    Cette étourdie mérite bien qu'on l'appelle tête de linotte.

    N'eût été au fond que la défaillance de cette faible mémoire,
    Jamais l'éléphant n'aurait trouvé à redire à ce menu déboire. 
    Mais voilà que l'oiseau clama sur les toits, dans sa déraison, 
    Que nul autre que lui, en terre de France, n'avait permission
    D'enseigner, c'est un comble, ce que peu avant
    Il avait été si heureux d'apprendre de l'éléphant.
    Puis en commerçant habile, la propriété industrielle il acheta
    De ce qui n'est à personne, le nom du petit village d'Iwama.
    Pour protéger son art de la contrefaçon, dit-il sans rire,
    Ne déguisant avec hypocrisie qu'un mercantile désir,
    Et par cet acte sacrilège transformant
    L'art d'Iwama en label de marchand.
    Ce cynisme de plus fit l'effet de la goutte d'eau,
    Le vase déborda et l'éléphant prit plume et pinceau,
    Pour dire et peindre comme il est légitime, le personnage
    Qui, par savants calculs, de la mode recueille le suffrage.
    Car l'éléphant, pour son aide, n'avait pas voulu un centime,
    Jugeant que lui suffisaient assez la reconnaissance et l'estime. 
    Mais c'est un trait de son caractère, sa mémoire excelle,
    Et il n'aime pas qu'à la parole donnée on se montre infidèle.
    Or l'oiseau, par gratitude, fraternel soutien à son ami avait juré.
    C'est bien peu dire en vérité que son serment il n'ait pas respecté. 
    Auprès du Maître, au contraire, sans vergogne il s'en alla médire,
    Tentant par piètres artifices de faire, de l'école, l'éléphant bannir.
    Soucieux de rendre, après coup, véridique et fondée
    L'exclusivité que, honte bue, il s'était tout seul décerné.
    Le Maître crédule ne vit pas la manœuvre, se fâcha injustement,
    Et d'exclusion menaça sans détour son vieil élève l'éléphant,
    Obligeant ce dernier, qui n'avait pas d'issue, à lui montrer son erreur,
    Bien qu'à cette humiliation du Maître il ne se résignât qu'à contrecœur.
    Stoïque, l'éléphant aurait pu sans broncher pardonner les pires ruses,
    Pas celle qui contraint in fine son Maître à lui présenter ses excuses.  

    Une vérité longtemps sous le boisseau conservée
    Etonne quand au grand jour elle est enfin révélée.  
    Et l'on dira après tant d'années, à quoi bon tout cela remuer ?
    Pardon mais c'est son défaut, l'éléphant est un peu rancunier.
    Cependant, si l'on trouve en ces rimes quelque indélicatesse,
    Qu'on n'oublie jamais que la cause en fut grande bassesse.
    Et que l'individu qui a montré si magnifique duplicité,
    Comme un modèle est indûment à des débutants présenté.
    Pour cette raison l'éléphant se devait de mettre en garde
    Ceux qui, sans savoir, avec les yeux de l'amour le regardent.
    Qu'on imagine tout de même qu'il fit taire quelques scrupules
    Avant de se décider à conter ces gesticulations minuscules,
    Mais qu'on indique la loi qui voudrait au royaume des bêtes,
    Que sans réponse soit laissée la parole aux plus malhonnêtes ?

Stage de Dinard, novembre 1993

A droite sur la photo, tenant un coin de la serviette :

Daniel TOUTAIN qui s'initiait pour la première fois à l'Aikido Takemusu.

A gauche sur la photo, tenant l'autre coin de la serviette :

Philippe VOARINO qui était élève de Morihiro SAITO à Iwama depuis le mois de février 1986 et qui assurait la direction du stage à la demande de son ami Daniel.

C'est en 1994, à la suite de ce stage, que Daniel TOUTAIN est allé à Iwama pour la première fois - pendant deux semaines - huit ans après Philippe VOARINO.

L'association Iwama Takemusu Aiki Bretagne était née peu avant pour l'occasion et se plaçait sous l'égide de sa grande sœur TAI.

La photo illustrant le prospectus fut prise en octobre 1989, durant la seule et unique tournée que Morihiro SAITO a effectuée en France pendant deux semaines (Paris, Orléans, Toulouse, Antibes, Nice, Epinal).

Cette tournée longue et difficile fut une première. Elle contribua grandement à faire connaître Morihiro SAITO en France et en Europe. Elle fut imaginée, organisée et réalisée dans sa totalité par son élève Philippe VOARINO, aidé par quelques amis au sein de sa fédération de l'époque, la FFAB, mais contre la direction centrale de cette fédération qui boycotta la manifestation pour des raisons politiques.

Elle fut pour beaucoup d'aikidokas une révélation et les amena à questionner leur pratique antérieure et à s'intéresser à l'Aikido Takemusu transmis par Morihiro SAITO tel qu'il était enseigné à Iwama par O Sensei (aiki ken, aiki jo et tai jutsu formant un tout indissociable). Daniel TOUTAIN, absent de cette tournée de 1989, accomplit la même démarche que tous ces pionniers - quatre ans plus tard.

Philippe VOARINO, Dooaghs Mountains, 25 décembre 2005