Les kumijo (ici le numéro 1), les kumitachi, et d’une manière générale tous les exercices avec armes, doivent être pratiqués lentement.

A Iwama, maître Saito interdisait toute vitesse d’exécution dans la pratique des armes, et il se mettait franchement en colère quand les gens ne respectaient pas cette consigne. Un matin à l’entraînement il a expliqué cela, Patricia Hendricks traduisait en arrondissant les angles. Comme il ne voyait pas suffisamment de réaction sur nos visages, il a demandé à Daniel Boubault qui était présent de la remplacer, et de répéter véritablement avec force ce qu’il avait dit :

Vous êtes là pour devenir des enseignants, si vous n’êtes pas capable d’apprendre correctement (en travaillant lentement), prenez vos bagages et quittez ce dojo immédiatement.

En pratiquant lentement, l’entraînement est plus sûr, mais surtout on a le temps nécessaire pour "se regarder pratiquer", on peut alors voir ce qui ne va pas, et corriger ce qui doit l’être.

Dans la réalité d’un combat, ce n’est pas tant la vitesse d’exécution qui est importante que l’harmonisation avec l’attaque (awase), or l’étude de l’awase est d’autant plus profitable que l’on s’entraîne lentement.

Le syndrome du petit samouraï consiste à travailler très vite des exercices d’étude purement conventionnels. C’est comme monter et descendre une gamme musicale à toute allure, c’est transformer un exercice d’apprentissage qui doit respecter certaines règles, et notamment un certain rythme, en exercice de vitesse sans intérêt et parfaitement ridicule. Ce n’est qu’une manifestation de l’ego qui veut paraître et briller.

C’est sur le champ de bataille qu’il y a prouesse guerrière, ailleurs il y a l’étude, ou alors il y a la cour de récréation, et un dojo d’Aikido – c’est ce que voulait dire maître Saito – ne doit pas être confondu avec une cour de récréation.

Philippe Voarino, décembre 2018.