Chichester

On croit généralement qu’O Sensei Morihei Ueshiba s’intéressait à l’Aikido.

Il n’en est rien.

L’Aikido pour lui n’était qu’un pis-aller.

Ce qui intéressait Maître Ueshiba c’était l’Aiki. C’est en ce sens qu’il répondit un jour par cette boutade à un jeune garçon qui demandait à apprendre son art : "Vous voulez pratiquer mon art, comme c’est intéressant, personne ne pratique mon art !". Et c’est dans le même esprit qu’il refusa dans un premier temps de démontrer son art devant l’Empereur du Japon, expliquant qu’il ne pouvait pas montrer un mensonge à l’Empereur.

Car l’Aiki-do est seulement le chemin qui mène à l’Aiki, ce n’est rien de plus. L’Aikido est une méthode pour apprendre l’Aiki.

Prendre l’Aikido pour l’Aiki c’est confondre le moyen avec la fin.

Dans n’importe quel cours, dans n’importe quel stage, rien d’autre n'est transmis que l’Aikido. Plus ou moins bien - et parfois mal - mais seulement l’Aikido est transmis. Et cela pour une raison simple, c’est que l’Aiki ne peut pas être transmis, il ne peut être que trouvé. L’Aikido, lui, peut être transmis.

Maître Ueshiba a transmis son Aikido, maître Saito a transmis l’Aikido de Maître Ueshiba, mais ni l’un ni l’autre n’ont transmis l’Aiki.

La seule chose qui ait une chance d’être transmise en plus de l’Aikido dans un cours, c’est la claire évidence que l’Aikido n’est pas l’Aiki. Or une prise de conscience de cette nature est impossible aussi longtemps que celui qui apprend ignore que ce qu’il apprend est seulement une méthode d’apprentissage, et qu’il n’aura jamais dans ce cadre aucune liberté.

Je transmets moi aussi l’Aikido dans mes stages bien sûr, mais j’essaie également d’ouvrir à ce meilleur discernement, dans l'espoir que changera peut-être le regard que nous portons sur cet art, et sur ce que nous croyons en comprendre.

Il y a un demi-siècle j’arrivais en Angleterre pour la première fois, j’avais quinze ans. J’y suis retourné si souvent depuis ce temps que la perfide Albion est devenue un pays que j’apprécie et où je me sens bien… nul n’est parfait, mais honi soit qui mal y pense. Je serai donc très heureux de retrouver tous mes amis anglais à Chichester, les 16 et 17 août prochains.

Philippe Voarino, juillet 2025