Nous avons vu dans "Kote gaeshi : puissance maximale" que la saisie du poignet dans la forme de shiho nage permet le dégagement chudan de kote gaeshi :

Avec cette forme, il est donc possible d’agir sur l’avant-bras (kote) d’uke en mettant son poignet (tekubi) en torsion (hineri), et cela déclenche la technique que l’on appelle kote gaeshi par la mise en œuvre d’une chaîne de déséquilibres successifs qui aboutissent à la chute d’uke.

Une légère modification du maai qui relie tori et uke permet de saisir le col d’uke en lieu et place de son poignet :

Ce maai différent déclenche alors la technique que l’on appelle irimi nage :

Le déplacement de tori n’est en rien changé, il demeure identique en tous points à celui de kote gaeshi, le mouvement global est absolument conservé.

Si l’on regarde de plus près, on constate donc qu’il n’y a aucune différence fondamentale entre kote gaeshi et irimi nage, hormis le point qui sert de pivot aux forces de rotation : irimi nage n’est jamais qu’un kote gaeshi appliqué au niveau des cervicales, la torsion du poignet y est remplacée par une torsion de la tête. Le déséquilibre produit sur le corps d’uke est le même.

Cela signifie qu’irimi nage et kote gaeshi ne sont pas deux techniques différentes, comme on le pense généralement, il s’agit en réalité de la même technique mais qui est appliquée sur deux parties différentes du corps d’uke. C’est seulement pour cette raison que nous voyons là deux techniques différentes.

Il faut dire que cette compréhension du rapport entre irimi nage et kote gaeshi est rendue difficile par les modalités de la méthode. Celle-ci exige en effet que la projection irimi nage s’effectue au moyen d’une saisie du col, le bras opposé enroulant la tête d’uke au creux de l’épaule dans la forme caractéristique de kokyu ho :

Cette manière de projeter et cette forme de corps sont correctes bien sûr sur le plan de l’apprentissage, mais elles font écran et empêchent de voir l’analogie entre irimi nage et kote gaeshi. Il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit là que d’une manière adoucie d’exécuter la technique martiale, qui est en réalité une torsion de la tête utilisant les deux mains de tori comme kote gaeshi. La technique véritable serait bien trop dangereuse, et susceptible de provoquer des luxations graves des vertèbres cervicales, c’est pourquoi elle a été bannie de l’entraînement.

J’ai utilisé en titre de ce dossier le terme "irimi gaeshi", contraction d’irimi nage et kote gaeshi, qui n’existe pas évidemment en Aikido, dans l’idée qu’il aidera peut-être à comprendre l’identité profonde des deux mouvements. Cette identité particulière est une des composantes du riai, le fil rouge qui relie entre eux tous les éléments de l’Aikido et en fait une famille organisée autour d’un principe commun.