Le 23 juin 2018, j’ai publié sur ce site un article que j’ai intitulé "Jusan no jo, destruction de preuve".

J’y expliquai qu’il existe aujourd’hui une tendance à supprimer le temps 3 bis (la frappe "pour écarter le jo d’uchi", comme on l’enseigne généralement) parce que cette frappe ne semble ni utile ni naturelle quand l’exercice est pratiqué avec un seul partenaire, et qu’il existe une disposition assez répandue à supprimer ce que l’on ne comprend pas.

Cette suppression est d’autant plus commode que le temps de frappe 3 bis n’est pas comptabilisé dans les 13 temps à vide, sans partenaire, du jusan no kata. Dès lors, quoi de plus tentant que de gommer cet élément apparemment inutile ?

Dans la vidéo ci-dessus, les premiers temps du jusan no jo sont présentés avec quatre adversaires.

Dans une telle situation, le temps 3 bis prend tout son sens, ce n’est plus du tout un temps nécessaire à écarter le jo ou à briser la main d’uchi (qui a déjà été brisée dans le temps précédent), c’est un temps de frappe sur le quatrième adversaire.

Chaque temps d’un kumijo (ou d’un kumitachi) correspond à une frappe sur un nouvel adversaire : dans la réalité on ne frappe pas deux fois de suite le même adversaire, il n’y a pas le temps pour cela dans le contexte d’une attaque de groupe, et à plus forte raison sur un champ de bataille.

Le modèle donné pour étude dans la pratique "one to one" de la méthode est fondamental, il est scrupuleusement conservé, mais il est reproduit désormais selon quatre directions différentes, et non plus de manière répétitive dans une direction unique.

C’est seulement ainsi qu’il devient possible de comprendre la raison du curieux mouvement 3 bis.

On voit dès lors que supprimer arbitrairement ce temps 3 bis au niveau élémentaire de l’enseignement est le meilleur moyen de se couper de la connaissance traditionnelle, et de perdre toute chance d’accéder un jour à la réalité du mouvement.

Il faut absolument faire confiance au matériel authentique qui nous a été légué pour l’étude de l’Aikido, il faut le préserver avec soin, et s’il est nécessaire de chercher et de trouver les applications de la méthode, c’est toujours dans l’humble respect de ce matériel : sans lui rien n’est possible et l’Aikido n’est plus qu’une gesticulation, mais sans la recherche authentique c’est un matériel mort et inutile.