Trente rais se réunissent autour d’un moyeu.
C’est de son vide que dépend l’usage du char.
– Lao Tseu - Tao te king

Le moteur de l’action est immobile, il est immobile parce qu’il occupe le centre de gravité de cette action, c’est à cette place que tori doit se trouver pour diriger le mouvement.

Pourtant, dans l’enseignement de la méthode, le mouvement irimi nage est enseigné de telle manière que c’est tori qui se déplace autour d’uke pour atteindre son dos, afin de le projeter ensuite. Dans un tel cas, c’est donc uke qui occupe le centre de l’action :

Une contradiction aussi flagrante avec le principe même de l’Aikido, montre bien que la méthode doit être comprise comme une étape pédagogique nécessaire, mais que l’Aikido ne peut en aucun cas s’y résumer. Il y a un travail à faire, à partir de la méthode, pour découvrir l’Aikido, c’est alors seulement qu’on peut parler d’Aikido Takemusu.

Pour faire de l’Aikido, tori doit mettre en œuvre le principe irimi-tenkan qui est la rotation de l’axe vertical du corps autour de lui-même. Irimi-tenkan se traduit, pour ce que l’on voit du corps, par tai no henka. S’il veut respecter le principe de l’Aikido, tori ne peut donc en aucune manière cheminer autour de tori avec des pas. Tori ne marche pas il pivote seulement, mais en permanence, autour de son axe, c’est le sens de l’expression "marcher sans les jambes" qu’utilisait maître Nakazono. Uke est alors entraîné par la rotation de tori et tourne autour de lui en fonction de ce que la physique appelle la vitesse angulaire :

Un jour, à Iwama, un élève posa à maître Saito une question caractéristique d’une période de l’étude où l’on n’a pas encore compris qu’il ne sert à rien de poser des questions sans avoir parcouru auparavant un certain chemin dans la voie de la connaissance. Il demanda naïvement quel était le secret de l’Aikido. Maître Saito lui répondit du tac au tac : "le secret de l’Aikido… mais il est là tout simplement à vos pieds". L’essentiel du travail en Aikido consiste en effet à comprendre le principe de déplacement. Si le déplacement est compris et respecté, les techniques naissent spontanément, car elles s’inscrivent dans la logique rotative de ce déplacement et en apparaissent comme la conséquence naturelle. C’est alors que jaillit la production merveilleuse de Takemusu Aiki dont parle O Sensei. Il est bien évident que la réponse de maître Saito était demeurée hermétique pour l’élève en question de cette époque.