Dans le premier temps de ce ken tai jo, la lance coupe vers la gauche. Pour développer le sentiment de cette coupe, on lui donne pour cible le sabre, un peu comme on donne un sac à un boxeur pour qu’il apprenne à frapper. La coupe peut ainsi s’appuyer sur quelque chose, sur une matière.

Mais ceci n’est qu’un procédé d’entraînement, il ne faut surtout pas modifier cet exercice en y mettant l’idée qu’il est nécessaire de dévier le sabre d’uchi, parce qu’en faisant cela on transforme alors la coupe en parade, or le concept de parade n’existe pas en Aikido.

En Aikido on ne lutte jamais contre l’arme d’uchi, en Aikido on fait irimi et l’arme d’uchi tombe dans un vide. Quand le mouvement d’Aikido est exécuté véritablement, il n’y a pas de contact entre les armes. Comprendre ceci est essentiel : c’est seulement à l’entraînement que s’entrechoquent le sabre et le jo.

Batailler avec l’arme d’un adversaire c’est perdre inutilement un temps précieux et donner pendant ce temps l’opportunité de frapper à un autre attaquant, c’est créer sans nécessité une ouverture dans sa propre garde.

L’Aikido propose au contraire une action ou les concepts d’esquive, de parade, de blocage, n’existent pas. Et si l’on veut réfléchir une seconde, seule une base technique de cette nature peut être conciliée avec l’idée de non-résistance qui est au cœur de l’Aikido. Comment en effet détruire en soi l’esprit de combat si l’esprit est occupé à combattre l’arme de l’adversaire ?

Mais naturellement dans tous les exercices d’entraînement les armes s’entrechoquent, puisqu’il est exigé que l’apprentissage se fasse sur ce mode. On s’habitue alors à cette bruyante manière de faire, et on finit par penser que la vérité du ken et du jo est là, et qu’elle n’est pas bien différente au fond du spectacle donné par Errol Flynn dans Les Aventures de Robin des Bois.

C’est ainsi qu’on se fait du cinéma et qu’on passe à côté du principe de l’Aikido.

Sur cette vidéo est illustrée la première manière de pratiquer ce kumijo n°1, celle qu’enseignait maître Saito dans les années 1980, quand il a créé les formes techniques connues aujourd’hui sous le nom de ken tai jo. J’étais présent à Iwama à cette époque et j’ai eu le privilège d’assister à la mise au point progressive de ces exercices pour lesquels je lui ai servi d’uke plus d’une fois. Les techniques changeaient presque chaque matin, il mettait en place sa méthode de travail.

Cette ancienne manière de faire permet de comprendre pourquoi la lance peut être ramenée au centre quand on coupe de gauche à droite, et qu’il n’est au contraire pas naturel de faire cela quand on coupe de droite à gauche.