Sur cette vidéo est démontrée la forme de base, le kihon de l’exercice de ken tai jo (sabre contre jo) numéro 4 :

Je voudrais profiter de cette étude constituée par deux frappes successives sur le même partenaire pour faire passer l’enseignement suivant qui n’est paradoxal qu’en apparence : dans un art martial, on ne frappe pas deux fois de suite le même adversaire.

Il y a deux raisons essentielles à cela.

La première, c’est qu’un homme recevant une frappe au visage avec toute la puissance du jo, comme c’est le cas ici, s’écroule en arrière, hors de combat. L’objectif est atteint et il faut tout de suite passer à autre chose. Il n’y a pas de sens à briser son genou avec un deuxième coup pour le faire tomber, puisque le premier coup l’a déjà mis au sol :

La deuxième, c’est que dans un contexte martial il y a par principe plusieurs attaquants, et qu’on ne dispose pas du temps nécessaire pour frapper deux fois de suite un seul d’entre eux. Le déplacement continu est fondamental, or doubler la frappe c’est s’arrêter pour un temps, c’est offrir aux autres adversaires la possibilité de frapper, c’est créer une ouverture sans raison dans sa propre garde.

Il faut garder à l’esprit que l’Aikido n’est pas un pugilat encadré par les règles du ring, un one to one, c’est un art de guerre et le danger y vient en permanence de toutes les directions en même temps. On y apprend à faire face à la multitude, et la multitude n’attend pas aimablement que l’adversaire ait terminé ce qu’il a à faire. Chaque technique d’Aikido est conçue pour gérer en sécurité plusieurs attaques simultanées, il n’existe pas des techniques pour un seul adversaire et des techniques pour plusieurs, il y a toujours le même mouvement, et ce mouvement – c’est là ce qui est remarquable dans l’Aikido – est conçu pour s’adapter à toutes les situations. Contrairement à ce que l’on peut penser, on ne change pas en Aikido la technique selon les circonstances, toutes les circonstances sont anticipées dans le mouvement unique. C’est la condition de l’efficacité : ne faire toujours qu’une même chose, invariablement. Ce mouvement unique peut certes avoir des effets différents, mais ce n’est là qu’un aspect secondaire lié seulement à la forme.

Alors pourquoi ce ken tai jo numéro 4 et cette double frappe sur la même personne ? Parce qu’il ne s’agit là justement que d’une étude de la forme, une étude nécessaire, mais dans laquelle la dimension martiale n’est pas prise en compte, elle n’a pas encore été ajoutée. Il est essentiel de ne pas mélanger les niveaux de pratique, la pédagogie s’arrête où commence le martial. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a - pardon pour cette image phallocentrique mais elle est parlante - et il ne faut donc pas demander à la méthode davantage que ce qu’elle peut apporter.