Chacun comprend que le deuxième ken tai jo est construit à partir du deuxième suburi de ken tai jo auquel est simplement ajouté un temps d’irimi final sous la forme de tsuki.

Le premier et le deuxième temps de cet exercice, puisqu’ils ne sont pas autre chose que le deuxième suburi, doivent donc être réalisés comme indiqué dans les deux dossiers techniques précédents, le mouvement devant clairement montrer une frappe simultanée des deux extrémités de la lance.

Il a été expliqué plus d’une fois sur ce site que c’est la rotation du corps, matérialisée par la rotation des hanches, qui est à l’origine du mouvement. Aucun geste n’est possible en Aikido avant que ne se mette en marche cette rotation qui porte le nom d’irimi-tenkan.

Le temps final du deuxième ken tai jo n’échappe pas à cette règle : c’est parce que la hanche gauche pivote vers l’arrière en coupant gyaku yokomen avec l’extrémité gauche de la lance que la hanche droite pivote vers l’avant, poussant l’extrémité droite de la lance en tsuki. Les deux hanches œuvrent simultanément à l’exécution de ces deux frappes : la taille à gauche est nécessaire à l’exécution de l’estoc à droite, les deux frappes sont solidaires.

Le dernier mouvement du ken tai jo 2 ne consiste donc pas à "armer" le jo pour faire tsuki, mais bien plutôt à couper et à faire tsuki dans le même temps. Pour un œil non averti ces deux manières se ressemblent, pourtant la différence qui sépare ces deux gestes n’est rien moins que le concept même et l’originalité de l’Aikido.

Quand on se contente d’armer le jo vers l’arrière, la phase d’irimi (tsuki) ne peut se faire qu’après avoir armé. Quand le mouvement est au contraire déclenché par une rotation de coupe vers l’arrière, la partie droite du corps est immédiatement lancée vers l’avant dans la phase d’irimi. J’ai choisi la photo qui est en vignette de ce dossier parce que cette notion y est visible.

Ceci conduit à une considération plus générale : le principe rotatif permet en Aikido de frapper de manière immédiate devant, derrière, à gauche et à droite, sans qu’il soit nécessaire de passer par l’intermédiaire d’une phase préparatoire à la frappe. Autrement dit le sabre et la lance sont toujours armés en Aikido, et l’idée même de préparer une frappe est le signe d’une incompréhension du principe d’action qui est au cœur de cet art.

J’essaierai un jour d’expliquer ce principe à partir de l’étude des cinq kamae du sabre. Il ne faut jamais perdre de vue cette réalité : le temps nécessaire à "armer une frappe" est le temps suffisant à un adversaire pour frapper lui-même. Préparer sa frappe c’est organiser sa vulnérabilité. Qu’on me pardonne cette lapalissade, mais la "réponse immédiate, ou instantanée" dont parle O Sensei, ne peut pas être préparée, par définition même.