Pour faire comprendre la nécessité du dernier pas de shiho nage, du pas qui a été perdu, celui qui amène à la position carrée (kenka goshi) dans le dos d’uke au moment de la projection, j’ai écrit il y a quelques années un article intitulé "La preuve par jo dori".

Je n’avais pas à l’époque de film disponible pour illustrer mon propos et je rattrape aujourd’hui cette lacune avec la vidéo ci-dessous :

On voit clairement sur cette vidéo qu’il n’est pas possible de terminer shiho nage avec le jo comme on a pris l’habitude de terminer shiho nage à mains nues. Je renvoie sur ce point, pour l’explication et pour l’illustration, à l’article précédent intitulé : "Shiho nage : le pas perdu".

Le néo-shiho nage auquel est parvenu l’Aikido moderne est en effet incohérent. Il consiste à pivoter dans un sens sous le bras d’uke, et à interrompre cette rotation pour pivoter immédiatement en sens contraire afin de projeter uke en position hanmi dans la coupe finale.

Cette première rotation incomplète, suivie d’une coupe en sens contraire, pose deux problèmes : elle laisse à un uke réactif la possibilité d’échapper par une chute avant, et elle laisse le dos de tori exposé aux attaques des adversaires venus des quatre directions. Or ce dernier point est en contradiction formelle avec l’instruction d’O Sensei qu’il faut "pratiquer en étant attentif aux quatre directions", et qu’une technique d’Aikido doit fonctionner aussi bien avec un seul adversaire qu’avec plusieurs.

On voit bien qu’il est physiquement impossible avec le jo de s’arrêter en hanmi pour exécuter la double rotation antagoniste telle qu’elle est généralement pratiquée à mains nues, et qu’on est bien obligé de continuer la rotation initiale unique jusqu’à son terme. La hanche arrière ne s’efface pas vers l’arrière en hanmi, elle pousse au contraire la jambe arrière vers l’avant dans la phase finale de la rotation, et amène ainsi les pieds en carré, dans le dos d’uke, en position kenka goshi au moment de la projection :

Je renvoie à l’article "Le premier pas #1" pour l’illustration et l’explication de cette position kenka goshi qui est fondamentale.

Jo dori oblige donc à exécuter shiho nage en utilisant le déplacement complet et authentique de cette technique. C’est la dernière phase de ce déplacement qui a été perdu dans le tai jutsu de l’Aikido moderne, qui a "oublié" le pas final et lui a substitué une double rotation antagoniste injustifiable et dangereuse.

Je fais remarquer à tous mes camarades d’Iwama que maître Saito enseignait bien jo dori shiho nage ainsi qu’il est démontré sur la vidéo, et que cela peut être vérifié sur les livres ou sur les films qu’il nous a laissés.
Ce point est capital, car il ne peut pas y avoir deux déplacements différents selon qu’on fait shiho nage à mains nues ou shiho nage avec un jo : cette règle est une conséquence rigoureuse du riai, du principe unique de l’Aikido.