On voit sur la vidéo combien la première partie de l’exercice ichi no tachi (kumitachi n°1) est difficile :

Le shomen uchi d’uchitachi crée l’ouverture de son corps et permet l’entrée d’uketachi, mais encore faut-il que ce shomen ne soit pas un simulacre, encore faut-il qu’il vienne à la distance nécessaire pour atteindre la tête. Si uchitachi n’attaque pas véritablement sa cible, la frappe gyaku yokomen d’uketachi est impossible à réaliser, et elle n’a pas de sens dans un tel contexte. Uchitachi doit parvenir à distance de frappe :

Dès lors qu’uchitachi s’avance à la distance nécessaire pour frapper la tête d’uketachi avec shomen, il lui devient impossible d’éviter le gyaku yokomen de ce dernier, tout comme il est impossible à l’eau de ne pas remplir le bassin inférieur quand s’ouvre l’écluse :

Or, pour les besoins de l’étude, on décide artificiellement le contraire, on admet qu’uchitachi peut "voir venir" la coupe d’uketachi, et "freiner" en quelque sorte son attaque au tout dernier moment afin d’éviter in extremis la lame qui monte vers sa gorge. 

Une telle action est martialement sans fondement, parce qu’elle pose comme hypothèse qu’uchitachi a la possibilité de ne pas être pleinement dans son attaque, elle suppose qu’il lui est loisible d’attaquer avec une certaine retenue, et de modifier au gré des circonstances le mouvement qui est en cours. Nous sommes là en fait devant une représentation des possibles de nature didactique, qui est seulement en rapport avec la théorie de l’enseignement, et qui conduit à un compromis pédagogique dont la raison est de permettre la suite de l’exercice. Mais dans la réalité martiale, quand une action est engagée elle ne peut l’être qu’à 100%, il n’y a pas de retour possible, pas d’échappatoire. C’est le sens profond de ce qu’on appelle ichi nen dans les arts martiaux japonais : l’esprit tout entier engagé dans un mouvement unique. Le mouvement d’Aikido est sans arrière-pensée, il est d’un seul élan du début à la fin, les circonstances ne l’affectent pas.

Ceci dit, et puisqu’il nous faut ici raisonner dans le cadre de la méthode, cette retenue dans la frappe se traduit concrètement par un retrait du corps d’uchitachi quand il parvient à la moitié à peu près de son mouvement de coupe : ce retrait se fait sans changer de garde, c’est-à-dire sur le migi hanmi de l’attaque (jambe droite devant).

On voit parfois uchitachi "faire semblant" d’attaquer et reculer immédiatement la jambe droite pour recevoir la deuxième frappe d’uketachi (le yokomen). Cela fait sourire, c’est confortable bien sûr, mais c’est impossible si la première attaque est véritablement lancée, or la méthode de Maître Saito exige d’uchitachi qu’il lance une attaque shomen dans le premier temps. La méthode autorise ensuite uchitachi à freiner son attaque par un retrait du corps vers l’arrière, mais elle ne l’autorise pas dans cette circonstance à reculer avec un pas franc en changeant de garde. Il est important de pratiquer dans cet esprit.