A Iwama, tous les cours de tai jutsu commençaient traditionnellement par katate dori tai no henka, puis morote dori kokyu ho. J’ai pratiqué plus de deux mille heures dans le vieil Aiki Shuren dojo d’Iwama, sous la direction de Morihiro Saito, pas une fois je ne l’ai vu changer cela.

Il y a une raison à ce caractère systématique de l’introduction au cours d’Aikido.

Katate dori tai no henka est en effet la toute première mise en action du principe de l’Aikido. Ce principe porte le nom d’irimi-tenkan : la rotation de l’axe central du corps entraîne les hanches dans une rotation complémentaire, une vers l’avant (irimi), l’autre vers l’arrière (tenkan). C’est l’origine.

Le mouvement, qui est exécuté sous la contrainte volontairement simple d’une saisie du poignet, démontre à tori que son corps peut bouger librement malgré la saisie. Mais à ce stade uke n’est ni projeté ni contrôlé, tori apprend seulement qu’en se déplaçant comme il convient il se met hors de portée d’uke tout en obtenant son déséquilibre.

Morote dori kokyu ho est la deuxième étape de l’application du même principe. La contrainte est plus lourde, le poignet de tori est cette fois saisi à deux mains, mais la rotation exécutée est en tous points identique à celle de tai no henka, elle se termine par la projection d’uke. Tori apprend désormais à utiliser le déséquilibre qu’il a provoqué chez uke pour le projeter.

L’Aikido tient tout entier dans ce grand commencement. Tout ce qui va suivre, ce que nous appelons les techniques, ne sont jamais que les apparences prises par l’unique principe d’action quand ce principe se manifeste, tout comme d’un ADN unique naissent des formes de vie différentes.

Tai no henka et kokyu ho sont donc la manifestation première du cœur de l’Aikido. Et c’est à ce titre que katate dori tai no henka et morote dori kokyu ho doivent être pratiqués au début de chaque cours. C’est grâce à cette répétition inlassable que le principe d’action de l’Aikido apparaît un jour clairement aux yeux de l’étudiant.
L’Aikido reste incompréhensible si on l’aborde par la quantité, si on veut faire le tour de ses techniques, il faut au contraire l’aborder par le principe unique qui est à l’origine de toutes les techniques, et qui porte le nom d’irimi-tenkan.